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La règle EBITDA

Chris Peeters Chris Peeters

Sous l’influence de la Directive européenne sur la lutte contre l’évasion fiscale, la deuxième phase de la réforme de l’impôt des sociétés a instauré une nouvelle règle liée à la déductibilité des intérêts, souvent appelée dans la pratique « règle EBITDA ». Les charges d’intérêts nettes (lesdits « surcoûts d’emprunt ») ne sont pas déductibles dans la mesure où elles dépassent le plus élevé de l’un des deux plafonds : (i) 30 % de l’EBITDA fiscal ou (ii) 3 millions d’euros. 

Au vu de ce plafond élevé, la règle EBITDA peut sembler à première vue peu pertinente pour votre/vos entreprise(s), mais elle pose néanmoins quelques problèmes.

Points d’attention importants

Il faut savoir que – contrairement aux anciennes règles de sous-capitalisation (voir infra) – la règle EBITDA ne vise pas seulement les intérêts entre les sociétés du groupe, mais tous les intérêts et montants économiquement équivalents, dont également les intérêts bancaires.  

Autre point d'attention : la règle EBITDA s’applique à la totalité des sociétés et établissements stables belges d’un groupe dans son ensemble, ce qui implique de devoir répartir le plafond des 3 millions d’euros entre eux.

Champ d’application

Cette législation s'applique à partir de l’exercice d’imposition 2020, lié à un exercice ouvert à compter du 1er janvier 2019.

Les contrats d’emprunts conclus avant le 17 juin 2016 et qui n’ont pas fait l’objet de modifications fondamentales par la suite sont exclus. Les modifications fondamentales concernent notamment une adaptation de la durée, du montant ou du taux d’intérêt de l'emprunt ainsi que son refinancement. Les anciens prêts restent toutefois soumis à l’ancienne législation relative à la sous-capitalisation.[1] Pour pouvoir bénéficier de cette exclusion, la société doit ajouter une annexe supplémentaire à la déclaration à l’impôt des sociétés.

En outre, la règle EBITDA ne s'applique pas à une entreprise qui ne fait pas partie d'un groupe de sociétés, qui n’a pas d’établissements à l’étranger et qui :

  • ne détient pas directement ou indirectement une participation[2] d’au moins 25 % dans une autre société ;
  • ne compte pas de personne physique ou morale actionnaire détenant directement ou indirectement une participation[3] d’au moins 25 % dans cette société ou une autre société.

 Surcoûts d’emprunt et EBITDA fiscal

Que sont exactement les surcoûts d’emprunt ?  La règle EBITDA tient non seulement compte des intérêts payés/octroyés, mais aussi de la différence positive entre les coûts d’intérêts et les recettes d’intérêts, et entre les coûts et les produits économiquement similaires.

L’EBITDA pris en compte pour l’application de cette règle ne fait pas référence au terme comptable tel que nous le connaissons, mais à un EBITDA fiscalement corrigé.

Règles particulières pour un groupe de sociétés

Comme nous l’avons déjà précisé, dans un groupe de sociétés, la règle EBITDA doit s’appliquer de manière « consolidée ». Par conséquent, le calcul des surcoûts d’emprunt ne tient pas compte des intérêts dus à ou par une société du groupe résidente ou d’un établissement stable résident. Pour déterminer l’EBITDA fiscal, les coûts et les produits dus à ou par une société résidente ou un établissement stable résident sont également neutralisés.

En outre, comme mentionné plus haut, le plafond des 3 millions d’euros s’applique à l’ensemble des sociétés belges du groupe. Cette limite peut être répartie de trois façons :

  • Proportionnellement (divisée par le nombre de sociétés du groupe)
  • Au prorata des surcoûts d’emprunt de chaque société
  • Sur base d’un calcul complexe en 4 étapes sur la base de l’EBITDA fiscal des sociétés du groupe.

Il est évident que les deux premières méthodes sont les plus simples pour la plupart des sociétés belges. Toutes deux requièrent toutefois une convention conclue par les sociétés belges du groupe à joindre à la déclaration à l’impôt des sociétés de l’une d’entre elles.

Enfin, il est possible pour 2 sociétés d’un groupe de conclure une convention de déduction d’intérêts par laquelle l'une transfère à l'autre sa capacité de déduction inutilisée.

Conclusion

La Belgique a mis en œuvre la règle EBITDA au sens large, en fixant notamment le plafond « des minimis » à 3 millions d’euros au lieu de 1 million d’euros, de sorte qu’un grand nombre de sociétés et groupes belges resteront hors de portée. Vu la complexité et le caractère formaliste de la mesure, il reste néanmoins utile de s’y intéresser de plus près. Par exemple, en cas de dettes bancaires élevées et/ou d’un nombre important de sociétés belges, un impact n’est pas exclu pour lequel il pourrait s’avérer nécessaire de conclure certaines conventions.

 

[1] Si le total des dettes sur les prêts aux sociétés du groupe est supérieur à cinq fois les fonds propres de la société, les intérêts sur le surplus ne sont pas déductibles.

[2] Détention de capital, de droits de vote ou de droits aux bénéfices.

[3] Détention de capital, de droits de vote ou de droits aux bénéfices.