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Sortir d’une indivision avec sa propre société : la Cour constitutionnelle a tranché…

Kristof Wuyts Kristof Wuyts

Lorsqu’un immeuble appartient en indivision à plusieurs propriétaires et que l’un d’entre eux rachète la part de l’autre (des autres) propriétaire(s), cette transaction n’est pas traitée comme une vente au regard des droits d’enregistrement, mais comme un 'partage' (à savoir, comme la fin d’une indivision). En l’occurrence, le droit de partage de 2,5% (et donc pas le droit de vente) est dû sur la valeur totale de l’immeuble.

Dans cette optique, il était de pratique courante pour un actionnaire d’acquérir un immeuble en indivision avec sa propre société. En effet, lorsque, par la suite, l’actionnaire/le copropriétaire rachetait la part de la société (imaginons 99%), il ne devait payer que 2,5% de droits d’enregistrement (au lieu de 12%).

En 2014, l’Administration, suivie par VLABEL (l’Administration fiscale flamande), a  décidé de mettre fin à cette pratique. L’Administration et VLABEL considéraient en effet que cette acquisition relevait du champ d’application du Code flamand de la fiscalité[1]. Selon le Code, l’acquisition, "de quelque manière que ce soit", d'un bien immobilier par un actionnaire est soumise au droit de vente. Cette décision s’est heurtée à de nombreuses critiques et a donné lieu à de nombreuses procédures.

Il semble à présent que la Cour constitutionnelle ait mis fin à cette discussion dans un arrêt récent[2]. La Cour de cassation a été saisie d'une affaire dans le cadre de laquelle la juridiction suprême a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. La Cour de cassation a ainsi demandé à la Cour constitutionnelle d’établir si l’application du droit de vente dans une situation où une personne physique sort d'indivision avec une société dont cette personne est elle-même actionnaire constitue une violation du principe d’égalité, sachant que si cette sortie d’indivision a lieu avec une société dont cette personne physique n’est pas actionnaire, elle est soumise au droit de partage.

Dans son arrêt du 20 janvier 2022, la Cour constitutionnelle a répondu par la négative à cette question préjudicielle. Elle considère donc que la (nouvelle) interprétation de l’Administration et de VLABEL n’est pas discriminatoire et que cette interprétation, basée sur un texte de loi clair, est conforme à l’intention initiale du législateur lorsqu'il a inséré ces dispositions dans le Code des droits d’enregistrement, d'hypothèque et de greffe. Selon la Cour constitutionnelle, la différence de traitement repose sur un critère de distinction objectif, à savoir la qualité d’actionnaire d'une société dont des droits indivis dans un immeuble sont acquis. Qui plus est, l’objectif historique du législateur serait compromis si les dispositions en cause pouvaient être contournées par la limitation de leur champ d’application aux immeubles qui entrent intégralement dans le patrimoine de la société et qui sont intégralement vendus à un de ses actionnaires.

Question définitivement tranchée

Autrement dit, il n’est plus envisageable pour un actionnaire d’acquérir un bien immobilier avec sa propre société pour ensuite sortir d’indivision en ne payant que le droit de partage. Il importe d’attirer l’attention sur le fait que si la société-copropriétaire est une SRL, l’actionnaire peut encore échapper à la perception du droit de vente. Le 'régime provisoire' [3] continue en effet de s’appliquer intégralement.

Si le bien immobilier est acquis par (1) celui qui, à l’époque, l’a apporté dans la SRL ou (2) un actionnaire qui était déjà actionnaire au moment où la SRL a acquis le bien immobilier avec paiement du droit de vente, la perception du droit d’enregistrement finalement dû est reportée jusqu’au moment de l’attribution future du bien immobilier à un ou plusieurs actionnaires.

Pour les actionnaires qui veulent sortir un immeuble de leur société et qui ne peuvent faire application du régime provisoire susmentionné, il semble donc que la question ait été définitivement tranchée par la Cour constitutionnelle.

 

[1] Articles 129 et 130 C. enreg. ; art. 2.9.1.0.4 et 2.9.1.0.5 CFF

[2] C.C. 20 janvier 2022

[3] Article 129, alinéa trois C. enreg. et article 2.9.1.0.4 CFF