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Le nouveau droit de la preuve et la valeur probante de la comptabilité

Roeland Vereecken Roeland Vereecken

Le 1er novembre 2020 est entrée en vigueur la première partie du nouveau Code civil. Cette première partie est le livre 8 relatif au droit de la preuve. Les ‘nouvelles’ règles du droit de la preuve sont en majeure partie une confirmation de la jurisprudence dominante et visent essentiellement à une meilleure lisibilité et une adaptation du droit de la preuve au monde numérique actuel. Cependant, il y a quelques nouveautés, notamment concernant la preuve fournie par et contre les entreprises.

Les principales modifications sont les suivantes :

La charge de la preuve

L’adage actuel selon lequel celui qui revendique doit fournir la preuve de ses affirmations est maintenu. La nouveauté réside toutefois dans le fait que la loi, à l’instar de la jurisprudence, stipule à présent expressément que chaque partie doit coopérer à l’obtention de la preuve. À cet égard, il est permis au juge, dans des cas particuliers et dans des conditions strictes, de renverser la charge de la preuve. Si le juge estime que, dans les circonstances concrètes de l’affaire, il serait manifestement déraisonnable qu’une partie supporte la charge de la preuve, le juge peut imposer la charge de la preuve à l’autre partie.

Preuve par vraisemblance

Le principe général veut qu’une preuve doit avoir un " degré raisonnable de certitude ". La nouveauté est cependant que la loi permet aussi aujourd’hui que la preuve soit apportée par vraisemblance :

" […]celui qui supporte la charge de la preuve d’un fait négatif, peut se contenter d’établir la vraisemblance de ce fait. La même règle vaut pour les faits positifs dont, par la nature même du fait à prouver, il n’est pas possible ou pas raisonnable d’exiger une preuve certaine. "

Ces dispositions donnent au juge plus de possibilités de tenir compte des circonstances spécifiques et parfois difficiles pour l’obtention de la preuve.

La liberté de preuve et la preuve fournie par et contre les entreprises

En matière de liberté de preuve aussi, il y a une évolution. L’ancien seuil de €375 a été porté à €3 500 pour les actions contre les personnes physiques. En dessous de ce seuil, le droit de la preuve est libre, ce qui signifie que la preuve peut être apportée par tous les moyens de droit : témoins, présomptions, messages WhatsApp, sms, e-mails, etc. peuvent tous être apportés comme preuve. Au-dessus de ce seuil, une pièce écrite et signée doit être disponible.

Pour les litiges entre entreprises, le droit de la preuve était déjà libre depuis 2018[1]. Cette liberté de preuve permet donc aussi aux entreprises de fournir une preuve numérique, telle que des e-mails, messages WhatsApp ou sms.

La preuve entre ou contre des entreprises peut être fournie par tout moyen de preuve, sauf disposition contraire de la loi. Le droit de la preuve permet à présent aussi légalement d’utiliser la preuve par la comptabilité et les factures acceptées.

Comptabilité

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de la preuve, la comptabilité d’une entreprise a une valeur probante légale (plutôt qu’une valeur probante libre). Pour ce faire, il est cependant nécessaire que la comptabilité soit invoquée comme preuve par l’entreprise qui l’a compilée contre une autre entreprise et que la comptabilité des deux sociétés ne se contredise pas. Si cette condition n’est pas remplie, la comptabilité n’a pas de valeur probante légale, mais uniquement une valeur probante libre et il revient au juge de déterminer la valeur probante de la comptabilité.

La comptabilité doit être évaluée dans son ensemble. Celle-ci ne peut être dissociée que si elle n’a pas été tenue correctement. Le tribunal peut également ordonner la production de la comptabilité. Cela peut se faire à la demande d’une des parties ou d’office.

Remarquons à cet égard que la valeur probante légale vaut uniquement entre parties et donc pas à l’égard de tiers comme le fisc !

Facture acceptée

Une grande nouveauté dans le nouveau droit de la preuve concerne, enfin, la reconnaissance légale de la force probante d’une facture non contestée. Avec l’entrée en vigueur du nouveau droit de la preuve, une facture acceptée ou non contestée dans un délai raisonnable sert de preuve (réfragable) contre une entreprise. Sauf preuve contraire, une facture acceptée par une entreprise ou l’absence de contestation dans un délai raisonnable vaut preuve de l’acte juridique allégué contre l’entreprise.

Cette règle s’applique à tous les types de contrats et pas uniquement à un contrat d’achat-vente. L’absence de contestation d’une facture par une personne qui n’est pas une société ne peut être considérée comme une acceptation de la facture, sauf si cette absence de contestation constitue un silence circonstancié (qui ne peut être expliqué autrement que comme une acceptation).

L’acceptation explicite ou tacite d’une facture par une personne qui n’est pas une entreprise constitue une présomption de fait. Dans ce cas, la force probante est donc laissée à l’appréciation du juge.

 

[1] ancien article 1348bis C.Civ.

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