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Les droits réels en mouvement

Les droits réels sont populaires auprès des entreprises depuis des décennies. Ils le sont évidemment en raison des possibilités d’investissement en société (au moyen de fonds bruts) et d’optimisation fiscale (y compris en matière de planification patrimoniale entre générations) qu’ils offrent, mais aussi pour diverses raisons d’ordre économique. La scission de la propriété permet en effet de ne pas exposer la pleine propriété au risque d’entreprise. Souvent, l’acquisition d’un droit réel s’accompagne également d’une charge de financement plus faible que l’acquisition de la pleine propriété. Qui plus est, il suffira souvent – dans des circonstances hautement évolutives – d’assurer l’utilisation d’un immeuble d’exploitation via des droits temporaires, etc.

Le droit des biens a récemment aussi été modernisé. Dans cette optique, nous vous proposons d’examiner de plus près les possibilités et l’impact de la nouvelle législation.

Diverses possibilités

Nous disposons en Belgique de trois constructions juridiques susceptibles de répondre à ces besoins :

  • l’usufruit qui donne à l’usufruitier le droit d’utiliser un immeuble et d’en récolter les ‘fruits’ (par exemple les revenus locatifs). Initialement, ce droit était destiné à subvenir aux besoins d’une personne (avec extinction à son décès), mais il est également devenu intéressant pour les sociétés (sa durée étant actuellement limitée à 30 ans maximum)
  • le droit de superficie qui permet une scission temporaire du droit de propriété entre le propriétaire foncier et le propriétaire des constructions érigées sur le fonds (maximum 50 ans). Entre-temps, le législateur a décidé que la ligne de scission ne devait pas nécessairement être limitée au sol (de sorte qu’il est possible de posséder des panneaux solaires sur une construction appartenant à autrui)
  • le droit d’emphytéose qui permet à l’emphytéote de jouir de droits d’usage à très long terme (minimum 27 et maximum 99 ans) et d’être quasiment propriétaire (tout en payant moins cher pour l’acquisition d'un droit réel).

Il s’agit de constructions plus complexes qu’un simple droit de propriété éternel et il s’agit donc de convenir d’accords clairs dès le départ, en tenant compte de l’évolution future des besoins et du contexte. Inutile de préciser qu’une optimisation fiscale (excessive) cache souvent quelque chose. Et le fisc veille au grain afin qu’aucun avantage anormal n’aille à des particuliers et qu’aucune charge injustifiée excessive ne soit déduite dans le chef de la société. Dans la pratique, cela conduit à de nombreuses discussions dans la jurisprudence et la doctrine, et les positions du fisc ne profitent pas toujours à la sécurité juridique. La théorie dite de la rémunération a ainsi été récemment précisée. Sur la base de cette théorie, les charges afférentes à un logement sont tout de même déductibles si elles peuvent être considérées dans le cadre de la rémunération équitable d’un administrateur (le plus souvent).

Quoi qu’il en soit, il est toujours possible de constituer un dossier solide, pour autant que les décisions prises soient économiquement justifiées et qu’elles soient mises en œuvre de façon cohérente. Raison de plus pour nous intéresser de plus près à l’impact du nouveau droit des biens qui modernise radicalement cette matière. La loi du 4 mars 2020 (qui entrera en vigueur le 1er septembre 2021) comble en effet les nombreux vides juridiques et abroge les anciennes réglementations du Code civil (qui date de 1804) et plusieurs lois individuelles, comme la loi sur le droit d’emphytéose et la loi sur le droit de superficie de 1824.

Nouveau droit des biens – les lignes de force

Nous passerons ci-après brièvement en revue les lignes de force de la nouvelle législation et leur implication potentielle concrète pour notre pratique.

  1. Le droit des biens devient plus structuré : des constructions juridiques claires (contrainte) dans un nouveau code civil unique avec des caractéristiques contraignantes clairement délimitées et des accords clairs pour une plus grande sécurité juridique. Une solution claire est apportée à divers problèmes pratiques. La loi confirme par exemple explicitement que lorsqu’un usufruitier érige une nouvelle construction, il en est propriétaire pendant toute la durée et que les règles applicables en la matière sont les mêmes que celles qui s’appliquent en cas de droit de superficie (à savoir les règles du droit de superficie accessoire). Cela signifie qu’à l’extinction de l’usufruit, le propriétaire foncier doit rembourser la valeur résiduelle (alors qu'un usufruit s’éteint en principe sans aucune redevance).
  2. La loi maintient une grande flexibilité pour les accords sur mesure entre les parties.
  3. Les durées sont élargies: il est désormais possible de constituer un droit d’usufruit et un droit de superficie sur une période de 99 ans maximum et un droit d’emphytéose sur une période de 15 ans minimum…
  4. Le droit des biens devient plus moderne et plus transparent : il ne fait plus uniquement mention des modèles agricoles dépassés, mais il accorde également une plus grande attention à la plus grande promiscuité dans laquelle nous vivons aujourd’hui. On y trouve par exemple des règles claires concernant la possession de volumes distincts au-dessus et en dessous du sol. Il impose également de faire mention de davantage de modifications dans le registre des hypothèques pour l’information des tiers (plus de publicité).
  5. Le droit de propriété devient moins absolu et plus social : il s’étend dans l’air et le sol (pour autant que nécessaire du point de vue fonctionnel), mais pas à l’infini. Les droits s’arrêtent là où commencent les droits des « voisins », avec une prise en compte plus flexible des intérêts mutuels. Il s’agit de trouver des équilibres, ce qui transparaît également de la théorie de l’enrichissement sans cause.

Qu’est-ce que cela implique pour les droits réels existants ?

Les droits réels existants ne sont en principe pas concernés par la nouvelle législation, sauf si les parties en conviennent autrement. La nouvelle législation ne s’appliquera pas non plus aux nouvelles constructions mises en place dans la période avant le 1er septembre 2021, sauf si les parties déclarent personnellement qu’elles souhaitent faire application de la nouvelle législation de plein droit à compter du 1er septembre 2021. Par exemple, pour limiter la durée d'un droit d’emphytéose à 15 ans, ou pour porter la durée d’un droit d’usufruit ou d’un droit de superficie à 99 ans. Le nouveau droit des biens offre de nombreuses opportunités, mais il nécessite également une certaine planification et des calculs. Nous nous tenons évidemment à votre disposition pour un accompagnement personnalisé.