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La signature électronique dans les transactions commerciales

Ellen Van Ingelgem
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Ellen Van Ingelgem
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En conséquence de la numérisation, de plus en plus de documents et de contrats sont signés électroniquement. Mais quelle est exactement la valeur juridique d’une telle signature électronique ? A-t-elle la même valeur que la signature manuscrite classique ? Dans la présente contribution, nous nous intéressons de plus près aux différents types de signatures électroniques et à leur valeur dans les actes juridiques[1].

Types de signatures électroniques

En Belgique, la signature électronique des documents est en principe généralement admise et même inscrite dans la loi. Une signature manuscrite classique sera encore exigée dans des cas exceptionnels seulement. La signature des contrats de travail en est un, la publication de certaines décisions aux Annexes du Moniteur belge (par ex. modifications administratives, modification de l’adresse du siège social) en est un autre.

D’autres documents émanant d’autorités publiques nécessitent encore parfois une signature manuscrite classique (par ex. demandes de subsides ou d’autorisations), même si la tendance actuelle montre que ces autorités sont de plus en plus nombreuses à décider d’accepter les signatures électroniques.

Il existe plus précisément trois types de signatures électroniques que l’on peut utiliser, en fonction du type de document à signer.

Signature électronique simple (Standard electronic signature – ‘SES’)

Ce type de signature est très simple et rapide à apposer, mais moins vérifiable que les deux autres types - AES et QES (voir ci-après), car la SES ne peut pas être clairement attribuée à une personne. Une SES offre donc une sécurité plus faible du point de vue de la preuve. Le règlement eIDAS (règlement européen qui est en vigueur depuis le 1er juillet 2016) dispose toutefois que les effets juridiques et la recevabilité d’une SES dans les procédures judiciaires ne peuvent être refusés au seul motif qu’elle ne répond pas aux exigences d’une QES (voir ci-dessous).

Un exemple classique de signature électronique simple est la saisie d’un code PIN ou d’un mot de passe, une signature scannée ou le cochage d’une case "je donne mon accord".

Les signatures électroniques simples peuvent en général être utilisées dans les cas suivants (liste non exhaustive) :

  • contrats commerciaux entre des organisations, y compris les contrats de vente, les conditions générales, les contrats de prestation de services
  • contrats conclus avec des consommateurs
  • règlements internes ou protocoles
  • contrats de location et de leasing ordinaires d’une durée de neuf ans ou moins

Signature électronique avancée (Advanced electronic signature – ‘AES’)

Une AES nécessite des étapes supplémentaires pour l’authentification de l’utilisateur : il est demandé au signataire de présenter un document valide pour confirmer son identité, tout comme un code d’accès unique après le processus de signature.

Les signatures électroniques avancées requièrent également qu’un certificat numérique soit généré et joint à l’enveloppe numérique en tant qu’élément de la signature.

Une AES nécessite par conséquent plusieurs vérifications techniques prouvant que la signature est authentique et que le document à signer reste inchangé. Elle offre donc plus de garanties qu’une SES concernant l’authenticité et l’intégrité et, dans la majorité des cas, constituera une preuve suffisante devant un tribunal.

Un exemple de signature électronique avancée est la signature apposée via les logiciels DocuSign, Adobe Sign et SignHere.

L’AES offre donc plus de garanties qu’une SES, mais elle n’équivaut pas pour autant sur le plan juridique à une signature manuscrite et ne devra pas être reconnue de plein droit dans d’autres États membres de l’UE ou dans d’autres pays tiers.

Signature électronique qualifiée (Qualified electronic signature – ‘QES’)

Ce type de signature électronique constitue l’identification la plus complète. Une QES est une implémentation spécifique d’une signature électronique qui a satisfait aux spécifications définies d’une autorité, notamment l’utilisation d’un outil sûr pour la création de signatures, et qui est certifiée "qualifiée" par cette autorité ou par une partie privée désignée par cette autorité.

Avec la QES, l’identité de la personne doit être vérifiée avant la signature. Ensuite, un prestataire de services de confiance certifié délivre un certificat électronique qui porte le nom du signataire, ce qui permet à ce dernier de générer ensuite des signatures qualifiées (une ou plusieurs fois, selon le type de certificat).

La QES est juridiquement équivalente à une signature manuscrite, réalisée à l’aide d’un stylo.

Une QES déplace également la charge de la preuve de l’invalidité de la signature de la partie signataire vers la partie contestant sa validité.

Enfin, le règlement eIDAS exige que chaque État membre accepte la validité d’une QES, même si celle-ci est réalisée dans un autre État membre de l’UE.

Bien que la QES soit donc équivalente à une signature manuscrite sur papier, il existe des documents pour lesquels le législateur prescrit encore une version papier :

  • certains documents de société, comme l’inscription de la cession d’actions au registre des actions de la société qui n’est pas tenu sous la forme électronique [2] 
  • signature de certains formulaires, parmi lesquels les déclarations et demandes fiscales, qui sont déposés auprès des autorités
  • contrats qui font naître ou transfèrent des droits sur des biens immobiliers (sauf les contrats de bail d’une durée de neuf ans ou moins qui peuvent être signés valablement au moyen de tout type de signature électronique, à condition de respecter les règles de preuve contractuelles) [3] 
  • contrats pour lesquels la loi requiert l’intervention des tribunaux, des autorités ou des professions exerçant une mission publique (par ex. actes publics/authentiques passés devant un notaire)
  • contrats de sûretés et de garanties fournies par des personnes agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité commerciale ou professionnelle [3] ou
  • conventions relevant du droit de la famille ou du droit des successions (par ex. les contrats de mariage, etc.), et actes d’adoption et conventions préalables au divorce

La Commission européenne a publié pour chaque État membre une liste de prestataires de services de confiance qualifiés, conformément au règlement eIDAS.

L’un des exemples les plus connus de signature électronique qualifiée en Belgique est Itsme, mais d’autres prestataires de services tels que GlobalSign et ZetesConfidens peuvent aussi être utilisés en Belgique pour apposer des signatures électroniques qualifiées.

Remarques concernant la validité (juridique)

La contestation de la validité n’est pas inconcevable

Bien qu’une signature électronique soit en principe valide, sa contestation n’en est pas pour autant inconcevable. Il est toujours possible de contester la validité d’une telle signature. Il est bien entendu plus aisé de contester une SES qu’une AES ou une QES. C’est pourquoi il est plutôt déconseillé d’utiliser une SES en dehors de circonstances informelles/habituelles.

Validité juridique d’une signature électronique imprimée

Si un document portant une signature électronique est imprimé sur papier (‘matérialisé’), la signature électronique perd sa valeur juridique. Les fonctions d’authenticité et d’intégrité disparaissent en effet du fait de l’impression sur papier.

À présent, il existe certaines technologies qui permettent, à l’aide du document numérique original, d’obtenir la signature électronique originale, via un code QR par exemple, et qui permettent par conséquent à une ‘signature matérialisée’ d’assurer les fonctions d’une AES. On appelle également cela une signature hybride.

Néanmoins, cette opération rend parfois inutilisables les documents signés par voie électronique. Les pièces signées électroniquement ne sont pas acceptées par les greffes des tribunaux de l’entreprise, étant donné que tous les documents y sont encore déposés en version papier.

Validité juridique d’un document ayant été signé de différentes manières

Il va de soi que lorsque plusieurs parties doivent signer le même document, il vaut mieux qu’il soit signé par chaque partie de la même manière (soit électroniquement, soit à la main).

Cependant, il est possible de faire signer valablement un contrat avec des signatures de natures différentes (manuscrites et électroniques), à savoir en optant pour la signature en plusieurs exemplaires. Autrement dit, chaque partie signe son propre exemplaire du (même) contrat (identique), après quoi toutes les parties se transmettent mutuellement les pages de signature. Chaque partie dispose ainsi du contrat avec les pages de signature des autres parties qui constituent ensemble un original unique.

Il vaut mieux vous assurer que le contrat inclut une clause relative aux exemplaires, de sorte que les pages de signature portant la (les) signature(s) de votre (vos) cocontractant(s) puissent être considérées avec le texte du contrat proprement dit comme un exemplaire original.

Une SES suffit pour la plupart des contrats et des actes habituels. Bien sûr, il est possible que certaines organisations ou certains tiers demandent une AES, auquel cas il est possible de recourir aux prestataires de services courants (comme DocuSign, Connective ou Adobe par exemple).

Lorsqu’une QES est requise, le signataire devra utiliser un logiciel de signature qui fonctionne avec l’un des prestataires de services de confiance pour les certificats de QES de l’État membre en question (voir la liste via le lien précité).

Conclusion

  Signature électronique simple (SES) Signature électronique avancée (AES) Signature électronique qualifiée (QES)
Signature en principe valide Oui Oui Oui
Contrôle de l'authenticité de la signature et de l'intégrité du document Non Oui Oui
Principe d'assimilation (équivalence avec une signature physique) Non Non Oui
Reconnaissance automatique dans d'autres Etats membres? Non Non Oui

[1] Source : https://www.vlaanderen.be/informatiemanagement/informatie-digitaliseren/de-elektronische-handtekening

[2] Article 7:74 du CSA

[3] Article XII.16 du Code de droit économique

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