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Loi sur le droit des biens modernisée

Roeland Vereecken Roeland Vereecken

La structuration juridique de projets immobiliers s’inspire encore à l’heure actuelle des modalités mises en place en 1804 par Napoléon dans son Code civil ainsi que des lois spéciales (dont les plus connues sont les lois du 10 janvier 1824 sur le droit de superficie et le droit d’emphytéose). 217 ans plus tard, le droit des biens fait enfin peau neuve dans le cadre d’un tout nouveau Code civil.

Nouveau Code civil – cadre général

Le nouveau Code civil comptera neuf livres :

  • Livre 1. Dispositions générales
  • Livre 2. Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples
  • Livre 3. Les biens
  • Livre 4. Les successions, donations et testaments
  • Livre 5. Les obligations[1]
  • Livre 6. Les contrats spéciaux
  • Livre 7. Les sûretés
  • Livre 8. La preuve[2]
  • Livre 9. La prescription.

Le livre 3 ‘Les biens’ du Code civil – qui implique une modernisation en profondeur du droit des biens – a été publié le 17 mars 2020 au Moniteur belge et a pris effet au 1er septembre 2021.

Dans la présente contribution, nous vous présentons brièvement le livre 3 et les modifications – ayant leur importance – apportées dans cette nouvelle section du Code civil, notamment pour les structures immobilières.

Réforme du droit des biens : 5 piliers

La réforme du droit des biens repose, d’après l’exposé des motifs, sur cinq piliers :

  1. l’approche intégrée du droit des biens (un seul code sans lois spéciales distinctes et intégrant la principale jurisprudence)
  2. ce que l’on appelle une ‘instrumentalisation’ du droit des biens (axée sur l’efficacité, l’aptitude à l’emploi et la transparence de la réglementation)
  3. la modernisation du droit des biens
  4. la flexibilisation du droit des biens (en octroyant une marge de manœuvre en ce qui concerne le principe de liberté contractuelle) et
  5. une approche plus approfondie de droit comparé du droit des biens.

Le législateur s’est appuyé sur ces cinq piliers pour s’atteler à la tâche et donner forme au nouveau Code. Outre une série de modifications mineures, mais non moins importantes, comme la désobjectivation des animaux ou une meilleure protection des arbres et arbustes, points que nous n’aborderons pas plus en profondeur dans cette contribution, il est procédé à diverses réformes dans le domaine des droits réels classiques.  

Usufruit : flexibilisation au profit des personnes morales

Lorsqu’une transmission en pleine propriété n’est pas financièrement réalisable, il peut être envisagé ‘de vendre’ l’usufruit. Quand l’acquéreur est une personne morale, l’ancienne loi prévoyait que l’usufruit avait une durée maximale de 30 ans. La nouvelle loi abandonne cette limitation dans le temps et la ramène à 99 ans ou au ‘décès’ de l’usufruitier (si celui-ci survient avant). En d’autres termes, il y a une harmonisation entre les personnes morales et les personnes physiques. Pour les personnes morales, ce n’est évidemment pas le décès qui est déterminant, mais la déclaration de faillite ou la dissolution volontaire, légale ou judiciaire de l’usufruitier.

Droit d’emphytéose : modification de la durée et de l’obligation d’indemnisation

L’ancienne loi sur le droit d’emphytéose de 1824, lequel devait durer au moins 27 ans, visait la stabilité économique sur le long terme. Toutefois, la pratique a révélé que cette durée minimale était trop longue pour certaines constructions immobilières (comme le leasing immobilier). La nouvelle loi sur le droit des biens prévoit une durée minimale de ‘seulement’ 15 ans.

Une autre nouveauté est la suivante : une emphytéose ne doit plus être conclue obligatoirement à titre onéreux. Plus besoin donc de verser obligatoirement un canon emphytéotique. En contrepartie, la nouvelle loi impose un éventuel versement d’une indemnité pour les ouvrages ou plantations réalisés par l’emphytéote. Tout comme pour le droit de superficie, il est fait référence de manière générale à la théorie de l’enrichissement injustifié.

Droit de superficie : accent sur la finalité

Sous l’ancienne loi, le droit de superficie s’était mué en un droit réel indéfinissable, qui était très ressemblant au droit d’emphytéose.

Le législateur entend souligner à nouveau la spécificité des deux droits dans la nouvelle loi sur le droit des biens. En d’autres termes, dans le cas de l’emphytéose, l’accent est mis sur l’usage et la jouissance du bien d’autrui, tandis que le droit de superficie est essentiellement un droit de construction. Autrement dit, le droit de superficie a pour finalité l’acquisition d’ouvrages déjà existants ou la réalisation d’ouvrages au sens large sur le terrain d’autrui ou en dessous.

Pour que le choix entre les deux droits soit effectué en fonction de la finalité de chacun d’eux, la durée maximale du droit de superficie est portée à 99 ans, de sorte qu’il n’existe plus de distinction entre les deux droits sur ce plan.

Selon la nouvelle loi, le droit de superficie peut être perpétuel lorsque et tant qu’il est constitué par le propriétaire du fonds : (1) soit à des fins de domanialité publique, (2) soit pour permettre la division en volumes d’un ‘ensemble immobilier complexe et hétérogène comportant plusieurs volumes susceptibles d’usage autonome et divers qui ne présentent entre eux aucune partie commune’. Le but est que les parties à de tels projets (caractérisés par l’absence ou le nombre limité de parties communes) ne soient plus obligées de se soumettre ‘artificiellement’ au régime de la copropriété forcée d’immeubles ou de groupes d’immeubles lorsqu’elles souhaitent réaliser une division verticale perpétuelle de la propriété.

Il faut nuancer quelque peu le caractère ‘perpétuel’ d’un tel droit de superficie, en ce sens que si un droit de superficie perpétuel existe depuis au moins 99 ans, le juge peut ordonner sa levée lorsque ce droit a perdu toute utilité, même future ou potentielle.

Il est donc préférable de porter un regard critique sur vos constructions immobilières existantes à la faveur de la nouvelle législation, afin de déterminer s’il vaut la peine de procéder à des adaptations. En outre, lorsque vous souhaitez mettre en place une nouvelle construction, il est souhaitable de se pencher sur les différentes nouvelles possibilités.

 

[1] Le livre 5 ‘Les obligations’ est encore à l’état de proposition de loi. Il a déjà été soumis à la Chambre, mais n’a toujours pas été approuvé à l’heure actuelle.

[2] La loi du 13 avril 2019 portant création d’un Code civil et y insérant un livre 8 ‘La preuve’ a été publiée le 14 mai 2019 au Moniteur belge. Le livre 8 est entré en vigueur le 1er novembre 2020.

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