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Procédure de la sonnette d’alarme : soyez vigilant !

Sébastien Gatellier Sébastien Gatellier

Le Code des Sociétés et des Associations (CSA) impose le respect de différentes règles, en vue de garantir tant la solvabilité que la continuité des entreprises et ainsi rassurer les tiers. La procédure de la sonnette d’alarme fait partie des obligations à ne pas négliger, lorsque certaines conditions sont remplies, au risque de voir la responsabilité des administrateurs entamée.

L’actif net comme point de contrôle essentiel

Tant pour les sociétés à capital (par exemple, les sociétés anonymes) que les sociétés sans capital (par exemple, les sociétés à responsabilité limitée), l’organe d’administration se doit de suivre régulièrement le montant de l’actif net de leur société.

Depuis l’entrée en vigueur du CSA, cet actif net se calcule toujours comme étant le total de l'actif, déduction faite des provisions, des dettes et, sauf cas exceptionnels à mentionner et à justifier dans l’annexe des comptes annuels, des montants non encore amortis des frais d'établissement et d'expansion ainsi que des frais de recherche et de développement. D’un point de vue purement pratique, la Commission des Normes Comptables (CNC) précise d’ailleurs que de tels cas exceptionnels sont rarement rencontrés, de sorte que la prise en compte des montants non encore amortis se fera quasiment d’office lors du calcul de l’actif net.

Une fois cet actif net calculé, la suite de la procédure dépendra du type de société, à capital ou sans capital.

Dans le cas d’une société à capital

Dans ce cas de figure, on sera particulièrement vigilant sur la présence de pertes. En effet, dès que celles-ci entraînent le fait que l’actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social, de nouvelles obligations incomberont à l’organe d’administration :

  • proposition à l’assemblée générale d’une dissolution de la société ou rédaction d’un rapport spécial à l’attention des actionnaires justifiant les mesures proposées par l’organe d’administration afin d’assurer la continuité de la société
  • obligation de convoquer une assemblée générale endéans les deux mois à dater du moment où la perte a été constatée ou aurait dû l'être en vertu des dispositions légales ou statutaires, en vue de décider de la dissolution de la société ou de mesures annoncées dans l'ordre du jour afin d'assurer la continuité de la société.

Le respect de cette procédure est de grande importance, dans la mesure où le dommage subi par les tiers sera, sauf preuve contraire, présumé résulter de l’absence de convocation par l’organe d’administration, pour autant que l’assemblée générale n’ait effectivement pas été convoquée endéans les délais impartis.

Les sanctions peuvent également être importantes spécifiquement pour les sociétés anonymes puisque tout actif net réduit à un montant inférieur à €61.500 ouvre le droit pour tout intéressé ou le ministère public de demander directement au tribunal la dissolution de la société concernée.

Dans le cas d’une société sans capital

Pour ce type de société, il y a lieu de vérifier ici que l’actif net n’est pas devenu ou risque de devenir négatif.

En pareil cas, les mêmes formalités que pour les sociétés à capital s’imposent, toujours avec un délai de deux mois pour leur accomplissement, calculé à partir de la date à laquelle la situation critique a été constatée ou aurait dû l'être en vertu de dispositions légales ou statutaires.

De surcroit, et spécifiquement pour les sociétés sans capital, la même procédure s’imposera lorsque l'organe d'administration constate qu'il n'est plus certain que la société, selon les développements auxquels on peut raisonnablement s'attendre, sera en mesure de s'acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant au moins les douze mois suivants.

A la grande différence des sociétés à capital, on constatera donc qu’il incombera encore davantage à l’organe d’administration d’anticiper autant que possible les résultats futurs de la société, au moyen de budgets et de plans de trésorerie, de sorte à s’assurer de la présence de liquidités suffisantes pour couvrir au moins une année d’activité, tout en écartant le risque de résultats futurs détériorés pouvant entraîner un actif net négatif à terme.

Bien entendu, le devoir de vigilance de l’organe d’administration n’est pas une obligation annuelle mais doit s’appliquer en continu, d’autant que le monde des affaires est aujourd’hui d’une grande volatilité dans certains secteurs.

Impact sur les règles d’évaluation applicables

Le fait qu’une procédure d’alarme soit lancée ne justifie pas pour autant que la continuité de l’entreprise soit menacée. La crise du coronavirus en est le meilleur exemple. De nombreuses entreprises ont ainsi subi certaines pertes, entraînant un actif net négatif ou trop faible mais justifiant dès lors la prise de mesures concrètes en vue d’assurer la continuité des entreprises en ces temps difficiles. Et nombre d’entreprises ont survécu à cette crise grâce aux mesures adéquates qu’elles ont mises en place, en plus du soutien des différents gouvernements.

En pareil cas, les règles d’évaluation pour l’édition des comptes annuels qui sont à conserver sont celles de la continuité d’entreprise, celle-ci s’appréciant au cours d'une période d'au moins douze mois à compter de la date de clôture de l'exercice de l’avis de la CNC.

Bien entendu, si lors du déclenchement de la procédure d’alarme, il apparaît clairement qu’aucune piste viable ne se dégage à long terme et que la dissolution de l’entreprise apparaît comme étant la seule voie possible, alors il y aura lieu d’opter immédiatement pour l’application de règles spécifiques de discontinuité, les règles d’évaluation étant d’office adaptées sur les points suivants :

  • amortissement complet des frais d'établissement non encore amortis
  • amortissements et réductions de valeurs additionnels en vue de ramener les immobilisations et actifs circulants à leur valeur probable de réalisation
  • comptabilisation de provisions afin de faire face aux charges inhérentes à la cessation des activités, notamment au coût des indemnités à verser au personnel.

Pour conclure, on ne perdra cependant pas de vue qu’il incombera toujours à l’organe d’administration de délibérer sur les mesures qui devraient être prises pour assurer la continuité de l'activité économique pendant une période minimale de douze mois, lorsque des faits graves et concordants seraient susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise.

Ceci est valable indépendamment de toute procédure de sonnette d’alarme, et donc malgré la présence d’un actif net largement positif. Il s’agit donc à nouveau, ici, de se projeter sur les douze mois à venir de manière adéquate.

Conclusion

L’attention doit donc être grande quant à la santé financière de l’entreprise, non pas seulement sur base des résultats actuels mais aussi des résultats projetés.

La responsabilité des administrateurs peut être invoquée en l’absence de la vigilance nécessaire et en cas de non-respect des conditions imposées par le CSA.

Avez-vous des questions ?

Votre expert-comptable certifié au sein de Grant Thornton est à même de vous seconder et de vous offrir la meilleure visibilité quant aux chiffres actuels mais également vos projections futures. Dans la mesure où il apparaîtrait qu’une procédure d’alarme devrait être initiée, nos conseillers juridiques sont également à votre disposition en vue de fournir les conseils les plus pertinents en la matière.