TVA

Les « e-factures » également soumises à des exigences formelles

Partenariat Esker et Grant Thornton
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Exigences formelles des factures

La facture est le document commercial par excellence. Elle représente la confirmation des prestations fournies, pour lesquelles une rémunération doit être versée.

Pour que l’assujetti puisse exercer son droit à déduction, il doit d’abord satisfaire à une condition matérielle, à savoir que les biens livrés et les services rendus par un autre assujetti agissant en cette qualité soient utilisés pour effectuer des opérations ouvrant droit à déduction (article 45 du Code de la TVA). Mais en outre, pour exercer ce droit à déduction, une condition formelle doit également être remplie : l’assujetti doit être en possession d’une facture (1) correctement établie (dans la forme adéquate) et (2) comportant les mentions obligatoires prévues à l’article 5,§ 1 de l’AR n° 1. (article 3, § 1, 1° de l’AR n° 3).

Il est donc essentiel que la facture soit dûment établie et transmise, tant sur le fond que sur la forme, non seulement pour éviter des sanctions à celui qui la délivre, mais aussi pour garantir que le client ne court aucun risque de perdre son droit à déduction, ce qui pourrait par ailleurs compromettre la relation commerciale entre fournisseur et client.

À compter du 1er janvier 2026, toute entreprise assujettie à la TVA réalisant des transactions B2B sera légalement tenue d’émettre et de recevoir des factures électroniques structurées (e-factures). Si la facturation va donc changer de support, les autres exigences formelles demeurent pleinement applicables, même aux e-factures (par exemple, mentions obligatoires, langue, devise, etc.).

  • Pour commencer, une facture ne sera conforme à la législation TVA que si les mentions obligatoires y figurent. Ces mentions sont celles énumérées à l’article 5, § 1 de l’Arrêté royal n° 1. Pour un inventaire détaillé, nous renvoyons à l’article de Nele Pichal intitulé « Facture conforme en matière de TVA : les points d’attention à retenir ». 
    Parmi ces mentions obligatoires figure l’indication des informations nécessaires à l’évaluation de l’opération et à la détermination du taux applicable, notamment : « la dénomination habituelle et usuelle des biens livrés et services fournis ainsi que leur quantité et leur objet ».

  • Plus spécifiquement, pour les notes de crédit, une référence à la facture originale corrigée ou complétée est requise, ainsi que, le cas échéant, la mention « TVA à reverser à l’État dans la mesure où elle a été initialement déduite ».

  • La mention explicite du mot « facture » ne constitue en revanche pas une obligation légale.

  • La législation TVA ne prévoit aucune disposition spécifique quant à la langue dans laquelle la facture doit être établie. Cependant, l’administration de la TVA peut exiger une traduction lorsque la facture est rédigée dans une langue autre qu’une des langues nationales. Il convient par ailleurs de tenir compte d’autres législations applicables, telles que la législation linguistique.

  • La facture doit mentionner à la fois la base d’imposition et le montant (total) de la TVA. En principe, seul le montant de la TVA due doit être libellé dans la devise nationale de l’État membre compétent. Lorsque la base d’imposition est exprimée dans une devise différente, une conversion en euros doit être effectuée à des fins de comptabilisation TVA (et de déclaration TVA). Le taux de change applicable est celui convenu entre les parties (mentionné dans le contrat ou sur la facture) ou, à défaut, le dernier taux indicatif de l’euro publié par la Banque centrale européenne ou par la Banque Nationale de Belgique.

Enfin, la jurisprudence belge a également son mot à dire concernant les exigences formelles de facturation.

Refus du droit à déduction et amende en cas de factures incorrectes ou incomplètes

La condition formelle pour le droit à déduction de la TVA

Le principe général est que la TVA devient déductible au moment où elle devient exigible. Dans le cadre de la livraison de biens et de la prestation de services, cela signifie que la TVA est déductible au moment où la livraison ou le service a été effectué. Lorsque la facture est émise, la TVA devient exigible à la date de facturation.

La jurisprudence a à plusieurs reprises confirmé que la TVA n’est pas déductible lorsque la facture ne respecte pas les exigences formelles. On insiste de plus en plus, en particulier, sur l’exactitude de la dénomination usuelle et de la quantité des biens livrés, ainsi que sur la dénomination usuelle des services fournis et leur objet.

Ainsi, la Cour d’appel d’Anvers a une nouvelle fois souligné l’année dernière l’importance d’une rédaction correcte de la facture. Dans cette affaire, les factures ne mentionnaient ni les jours de prestation ni la nature des prestations prétendument fournies. De surcroît, aucun document n’a pu être produit (feuilles de prestations, contrats, plannings, e-mails, etc.) démontrant que l’une des parties contractantes avait effectivement été sollicitée par l’autre. Enfin, la Cour a relevé que l’analyse des prestations facturées révélait un nombre d’heures anormalement élevé, traduisant une intention frauduleuse. Le droit à déduction de la TVA a donc été refusé, et l’assujetti à la TVA a en outre été condamné à une amende de 200 %.

La Cour d’appel de Gand a également rappelé que la facture doit satisfaire aux formalités prévues à l’article 5, § 1 AR n° 1 pour ouvrir droit à déduction. Dans cette affaire, l’absence de description précise de la prestation fournie, combinée à l’impossibilité de démontrer par écrit le lien contractuel entre les parties concernées, a conduit au rejet du droit à déduction. En cas de libellé imprécis sur la facture, il est donc toujours recommandé de pouvoir prouver les prestations ou livraisons au moyen de conventions, contrats, échanges d’e-mails, devis, etc.

Une description globale des services ou des biens livrés ne suffit pas. La facture doit en effet comporter les éléments « nécessaires pour déterminer l’opération et le taux de la taxe ».

En d’autres termes, il est essentiel que vous, en tant que destinataire de la facture, puissiez toujours prouver que les biens ou services ont réellement été fournis, afin de bénéficier du droit à déduction et d’éviter toute sanction.

Cela dit, les conséquences ne seront pas toujours aussi lourdes que dans les arrêts précités. Une approche excessivement formaliste est en effet nuancée par la jurisprudence européenne de la Cour de justice de l’Union européenne, dans le cadre du principe dit de « la prééminence du fond sur la forme ». Ce principe fondamental de neutralité de la TVA exige que le droit à déduction de la taxe en amont soit reconnu dès lors que les conditions matérielles sont remplies, et ce, même si certaines conditions formelles ne le sont pas (CJUE, affaire Senatex GmbH, C-518/14, 15/09/2016, point 38 ; CJUE, affaire Barlis, C-516/14, 15/09/2016, point 42 ; CJUE, affaire Trawertyn, C-280/10, 01/03/2012, point 41).

En Belgique, ce principe de « la prééminence du fond sur la forme » est reconnu dans la circulaire 2017/C/64 du 12 octobre 2017 (n° E.T. 131.409) : Si l’administration fiscale dispose des éléments nécessaires pour constater que les conditions matérielles sont remplies, elle ne peut dès lors imposer de conditions supplémentaires susceptibles de faire obstacle à l’exercice du droit à déduction de la taxe par l’assujetti (CJUE, arrêt Barlis, affaire C-516/14, 15/09/2016, point 42).

Cela n’exclut toutefois pas qu’une amende puisse encore être infligée…

Mais dans certains cas, les vices de forme s’accompagnent d’une preuve insuffisante quant à la réalité des prestations invoquées, auquel cas le droit à déduction de la TVA ne sera de toute façon pas admis. C’était également le cas dans la jurisprudence mentionnée précédemment.

En tant que bénéficiaire des prestations, il vous incombe donc de veiller non seulement au respect des exigences formelles de la facture, mais également à réunir suffisamment d’éléments probants permettant d’en démontrer l’authenticité et la véracité (contrat, échange d’e-mails, devis, etc.), en particulier lorsque la description figurant sur la facture est peu explicite.

Qu’en est-il de la déductibilité en matière de contributions directes ?

Les frais ne sont déductibles que si certaines conditions sont remplies. Ainsi, notamment, « l’authenticité et le montant » doivent être justifiés à l’aide de pièces justificatives. Dans la plupart des cas, une facture suffit à justifier la déductibilité. Toutefois, lorsque celle-ci est insuffisamment détaillée et ne permet pas de déterminer les prestations exactes effectuées, cela peut poser problème.

Cela a récemment été confirmé par la Cour d’appel de Gand, qui a refusé la déduction des frais au motif que la description des prestations figurant sur la facture était trop vague et qu’aucun élément complémentaire ne permettait d’établir la véracité des prestations (et des montants).

Afin de ne pas compromettre la déductibilité, il est donc recommandé de demander une nouvelle facture suffisamment détaillée lorsque celle reçue est trop imprécise. Veillez également à pouvoir démontrer, à tout moment, l’authenticité et la réalité des services ou des biens fournis, au moyen de conventions, contrats, échanges d’e-mails, devis, etc.

Facturation électronique à partir du 1er janvier 2026

Jusqu’au 31 décembre 2025 inclus, tant les factures électroniques (pour autant que le destinataire y consente) que les factures papier peuvent encore être émises.

Mais à compter du 1er janvier 2026, la facture électronique structurée deviendra obligatoire pour toutes les opérations entre entreprises belges assujetties à la TVA (B2B). Il sera toujours possible, à titre complémentaire, d’envoyer une version PDF ou papier de la facture, mais la seule facture ayant valeur légale sera la facture électronique structurée. Celle-ci devra dès lors respecter toutes les exigences formelles imposées et contenir l’ensemble des mentions obligatoires prévues par la réglementation.

L’introduction de la facturation électronique constitue une première étape vers l’e-reporting. La facture électronique devra être conforme aux normes EN 16931-1 et CEN/TS 16931-2. En pratique, elle prendra la forme d’un fichier XML, permettant un traitement automatique dans la comptabilité. Pour un aperçu approfondi de la facturation électronique obligatoire dans le secteur B2B en Belgique, nous vous invitons à consulter les articles de Lorien Van den Bempt et Sylwia Radomska sur les avantages et l’introduction de l’obligation de facturation ainsi que sur le réseau Peppol, les incitations fiscales et les étapes concrètes.

L’émission de factures électroniques structurées deviendra, en principe, obligatoire si (1) il s’agit d’une transaction entre entreprises (B2B) belges, (2) le client est tenu de recevoir (et de traiter automatiquement) une facture électronique structurée et (3) l’opération constitue une transaction locale soumise à la TVA belge. Les trois règles suivantes doivent être remplies :

Règle 1.
L’émission de factures électroniques structurées devient obligatoire pour toutes les transactions B2B réalisées par des entreprises belges, établies et enregistrées en Belgique pour la TVA. Sont toutefois exclus de cette obligation :

  • Les assujettis étrangers non établis en Belgique, même s’ils y sont enregistrés à des fins de TVA (sans établissement belge) ;

  • Les entités belges effectuant exclusivement des opérations exonérées (ex. : secteurs financier, médical, éducatif, social, sportif ou culturel) ;

  • Les assujettis en faillite (dont le numéro de TVA est encore actif) ;

  • Les assujettis relevant du régime forfaitaire (lequel prendra fin au plus tard le 1er janvier 2028).


Règle 2. 
Le client doit être une entité établie en Belgique, tenue de déposer des déclarations périodiques de TVA et d’indiquer son numéro de TVA belge à ses fournisseurs ou prestataires. Il n’y a donc pas d’obligation d’émettre ou de recevoir des factures électroniques structurées dans les cas suivants :

  • Les assujettis étrangers non établis en Belgique, même s’ils y sont enregistrés à des fins de TVA (sans établissement belge) ;

  • Les entités belges effectuant exclusivement des opérations exonérées en vertu de l’article 44 du Code de la TVA (ex. : secteurs financier, médical, éducatif, social, sportif ou culturel).


Règle 3.
L’émission de factures électroniques structurées est obligatoire pour toutes les opérations locales soumises à la TVA. Cela inclut également les opérations soumises au régime de l’autoliquidation, comme les travaux immobiliers réalisés par des entrepreneurs. En revanche, l’obligation ne s’applique pas notamment :

  • aux opérations exonérées en vertu de l’article 44 du Code de la TVA (ex. : secteurs financier, médical, éducatif, social, sportif ou culturel) ;

  • aux opérations réputées avoir lieu, aux fins de la TVA, dans un autre État membre de l’UE ou en dehors de l’UE.

Au regard de ce qui précède, dès le 1er janvier 2026, dans le cadre d’une relation B2B, la facture électronique structurée contenant les mentions obligatoires visées à l’article 5 de l’AR n° 1 sera la seule facture légalement conforme.

  • Un fournisseur ou prestataire qui n’émet pas une telle facture s’expose à une amende proportionnelle réduite, pouvant aller de 60 % à 100 % de la TVA concernée, en fonction du cas.

  • Un client incapable de recevoir ou de traiter correctement une facture électronique structurée ne disposera pas d’une facture conforme, ce qui empêchera l’exercice du droit à déduction (article 3 de l’AR n° 3). En cas d’autoliquidation, le client devra néanmoins payer la TVA, sans pouvoir la déduire, en principe. Le fait de recevoir également une facture au format PDF n’y change rien. Une déduction indue de la TVA est par ailleurs sanctionnée par une amende proportionnelle réduite de 10 % du montant de TVA.

  • À ce jour, aucun autre risque spécifique n’est identifié pour les clients qui ne pourraient pas (ou pas correctement) recevoir de factures électroniques structurées, en dehors du refus de déduction.

Enfin, outre la condition relative à l’authenticité et la réalité des prestations, la facture électronique doit également respecter toutes les exigences formelles applicables à une facture, notamment une description claire des biens livrés et des services fournis.