D’après Frederik De Graeve, le gouvernement De Wever fait payer aux PME le manque de vision stratégique. Son message est clair : « Cessez de présenter les augmentations de tarifs comme une croisade morale contre un prétendu abus. Il ne s’agit en rien d’une réforme fiscale équitable. »
Publié précédemment sur 'L'Echo'
Le gouvernement fait payer aux PME le manque de vision stratégique
Cessez de présenter les augmentations de tarifs comme une croisade morale contre un prétendu abus. Il ne s’agit en rien d’une réforme fiscale équitable.
Sortir de l’argent de sa société coûtera désormais davantage. Pourquoi les PME doivent-elles encore payer pour une politique budgétaire qui refuse de faire des choix stratégiques ? Les mesures annoncées ne sont pas une « réforme ». Il s’agit d’un simple levier fiscal, poussé encore plus loin pour récolter rapidement des recettes. Un mécanisme politique trop facile.
Réserve de liquidation et VVPR bis : leur attrait diminue.
Dans le régime préférentiel VVPR bis, le précompte mobilier sur les dividendes passe de 15 à 18 % pour les actions introduites après le 1er juillet 2013. En outre, la réserve de liquidation devient moins avantageuse : quiconque ne liquide pas sera désormais taxé à 18 %. Par conséquent, la pression fiscale totale sur les dividendes de PME grimpe d’environ 32 à 34,4 % (et sur les bénéfices soumis au taux normal de l’impôt des sociétés, elle grimpe même de 36,25 à 38,50 %).
La problématique
Le gouvernement De Wever relève les tarifs applicables aux distributions de bénéfices des petites entreprises.La conclusion
Plutôt que de revoir le système, le gouvernement choisit, sous couvert de lutte contre les abus, des recettes « faciles » qui touchent toute l’économie. De plus, les taux pourraient encore augmenter à l’avenir.
Si la mesure peut sembler minime, le principe est franchement problématique. Tout a commencé par une offensive de quelques membres du gouvernement contre le prétendu abus des sociétés de management. En réalité, cette mesure frappe chaque petite société qui distribue des bénéfices, même une seule fois : du boulanger de quartier à l’entreprise familiale comptant des dizaines d’employés. Une mesure qui touche tout le monde n’est, par définition, pas une lutte ciblant les abus. C’est tout simplement une hausse d’impôt générale déguisée.
Recettes faciles
C’est ce qui arrive lorsqu’un budget reste durablement déficitaire et qu’on refuse d’agir sur les dépenses. Au lieu de repenser le système, on opte pour des « recettes faciles » : des taxes administrativement déjà en place et donc rapidement prélevables. Précompte mobilier ? Une petite augmentation. Réserve de liquidation ? Une diminution de l’avantage. Et voilà.
Cessez de présenter les augmentations de tarifs comme une croisade morale contre un prétendu abus.
Ce n’est en rien un shift idéologique vers « les épaules les plus larges ». Pour toucher réellement le sommet, il faut avoir le courage de s’attaquer aux fondations : réduire les régimes dérogatoires, diminuer la fragmentation et élargir et simplifier le système fiscal. Cela exige un vrai courage politique, pas le relèvement de quelques taux épars.
Effets économiques d’un alourdissement de la charge fiscale
Même d’un point de vue purement économique, augmenter la charge fiscale pesant sur les PME n’a pas de sens. Les PME ne sont pas des sources fiscales inertes : elles aussi s’adaptent. Réduire la distribution nette revient à diminuer le rendement de l’entrepreneuriat, la capacité à assumer des risques et l’envie d’investir. Et considérer qu’un dividende est, par essence, une frivolité, c’est ne pas comprendre la réalité des PME. Pour de nombreux entrepreneurs, il s’agit de leur retraite, de leur matelas de sécurité et de leur récompense pour des années d’incertitude.
L’État peut poursuivre l’érosion de ce rendement, mais les effets sont connus : investissements différés, bonus restreints, augmentation des prix pour sauver les marges, etc. La charge ne pèse donc pas uniquement sur les entrepreneurs : elle finit par atteindre aussi les travailleurs et les consommateurs. L’impôt ruisselle dans l’économie comme une forme d’inflation silencieuse.
Un terrain glissant
Une autre preuve qu’il s’agit d’une mauvaise politique : dès qu’on s’engage sur cette voie, elle devient la solution standard à chaque nouveau trou budgétaire. 18 % aujourd’hui, 20 % demain, puis une taxation généralisée des plus-values, avec des dérogations destinées à disparaître. Il suffit d’observer l’évolution fulgurante de la taxe sur les comptes-titres. C’est un terrain glissant où les PME sont toujours plus affectées à chaque ajustement budgétaire.
Pendant ce temps, la question essentielle demeure : pourquoi ne parvenons-nous pas à financer l’État sans aller toujours plus chercher dans les poches de la classe productive ?
Conclusion : panique budgétaire au détriment des PME
Si le gouvernement veut réellement lutter contre les abus, il doit agir de manière ciblée et cohérente. Définir l’abus, renforcer les contrôles et sanctionner avec justesse. Qu’il cesse de présenter les augmentations de tarifs comme une croisade morale contre un prétendu abus. Il ne s’agit en rien d’une réforme fiscale équitable. C’est un signe de panique budgétaire qui pénalise les PME. La Belgique a besoin d’entrepreneurs pour être prospère. Et certainement pas pour couvrir l’inertie politique du pays et son absence de vision à long terme.