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SA ou SRL : pour quelle forme de société devriez-vous opter ?

L’une des questions qui nous est posée le plus souvent depuis l’introduction du nouveau Code des sociétés et des associations (ci-après le ‘CSA’) le 1er mai 2019 est celle de savoir pour quelle forme de société il est préférable d’opter, la SA ou la SRL. Dans la présente contribution, nous essayons de présenter brièvement les différences significatives qui existent encore entre les deux formes de société.

Introduction – le CSA crée une convergence entre la SA et la SRL

Il est évident qu’avec l’introduction du CSA, des modifications radicales ont été apportées au droit belge des sociétés, notamment en ce qui concerne la SRL (le successeur de la SPRL). Mais le droit de la SA aussi a fait l’objet de plusieurs modifications importantes. Pour les deux formes de société, la liberté statutaire est devenue plus que jamais le mot-clé, puisque les différences assez grandes entre l’ancienne SPRL et la SA ont en grande partie disparu ou peuvent au moins être éliminées dans les statuts.

Dorénavant, une SA peut aussi être constituée et administrée par une seule personne, et, dans les deux formes de société, il est possible d’octroyer un droit de vote multiple ainsi que des dividendes préférentiels.

D’autre part, la cessibilité limitée des actions de l’ancienne SPRL (c’est-à-dire l’une des caractéristiques originelles de cette forme juridique) peut désormais être supprimée dans la SRL par les statuts, si bien que la cessibilité libre ou non des actions ne constitue plus une distinction caractéristique entre la SA et la SRL.

Enfin, il est également possible d’instituer un organe de gestion journalière dans la SA. Cette possibilité existait depuis déjà longtemps pour la SA, mais n’était pas prévue dans la SRL.

Donc, nous ne nous concentrons pas tant sur toutes les modifications apportées aux deux formes de société par le CSA que sur les différences (significatives) qui existent encore aujourd’hui.

Principales différences existant encore entre la SRL et la SA[1]

Le capital (ou l’absence de capital)

L’une des plus grandes différences est le fait qu’une SRL n’a plus de capital. Il convient de préciser que cela ne signifie pas que les fondateurs d’une SRL peuvent démarrer leur activité sans doter la société des moyens financiers nécessaires. Ils doivent en effet s’assurer que la SRL dispose lors de sa constitution de capitaux propres qui, compte tenu des autres sources de financement, sont suffisants à la lumière de l’activité projetée de la SRL. Ces moyens financiers peuvent prendre la forme de capitaux propres (via des apports des fondateurs), mais les capitaux d’emprunt (par exemple des prêts d’actionnaires ou un financement bancaire) sont également admis en tant que tels.

S’il s’avère que les capitaux propres de départ (autrement dit, les moyens financiers prévus) lors de la constitution étaient manifestement insuffisants pour l’exercice normal de l’activité projetée pendant une période d’au moins deux ans, les fondateurs sont solidairement responsables des obligations de la société en cas de faillite prononcée dans les trois premières années suivant sa constitution.

Cet exercice de financement se traduit par l’élaboration d’un plan financier détaillé que les fondateurs doivent remettre au notaire qui passe l’acte constitutif.

Dans une SA, les fondateurs doivent toujours libérer un capital minimum de €61 500, soit par un apport en numéraire, soit par un apport en nature. Pour le reste, les règles susmentionnées relatives à la prévision de moyens financiers suffisants pour les deux premières années, à l’établissement d’un plan financier et à la responsabilité des fondateurs s’appliquent également à la SA.

Impact de cette différence sur le choix de la forme juridique :

  • Pour les entrepreneurs débutants ou les petites entreprises ayant un besoin de financement limité, le capital minimum obligatoire de €61 500 est un seuil financier trop élevé pour choisir la forme juridique d’une SA. Ils seront sans doute plus enclins à opter pour la SRL, qui n’impose aucun capital minimum et offre plus de flexibilité pour la composition du mix de financement dans le cadre de la constitution des capitaux propres de départ.
  • Le capital minimum requis de la SA posera moins de difficultés aux grandes entreprises ou aux entrepreneurs exerçant des activités à forte intensité de capital, qui auront plutôt tendance à considérer les autres aspects/avantages de la SA (voir ci-dessous).

Constitution d’une réserve légale

Dans une SA, l’assemblée générale doit retenir chaque année un montant égal à au moins 5% du bénéfice net pour constituer un fonds de réserve (souvent appelé ‘réserve légale’). Cette obligation prend fin lorsque le montant du fonds de réserve atteint 10% du capital.

L’obligation de constituer un fonds de réserve n’existe pas dans la SRL.

Impact de cette différence sur le choix de la forme juridique :

  • Les bénéfices que la SA pourra distribuer seront moins importants tant que le fonds de réserve n’est pas entièrement constitué. Il va de soi que plus le montant du capital (de départ) de la SA est élevé, plus cet inconvénient est important. Dans la mesure où le plus de bénéfices possible doivent recirculer rapidement dans l’entreprise, cette obligation peut être considérée comme un désavantage par rapport à la SRL.

Autres règles relatives à la distribution de bénéfices

Dans la SA comme dans la SRL, des dividendes peuvent être distribués par l’assemblée générale des actionnaires et par l’organe d’administration. Ce dernier doit toutefois disposer expressément de ce pouvoir dans les statuts.

Dans les deux formes de société, cette distribution de dividendes doit être réalisée sur la base d’un test de l’actif net, dont les caractéristiques dépendent en grande partie du moment de la distribution et de l’organe social qui décide de cette distribution. Globalement, cela signifie que la distribution ne peut avoir pour conséquence que l’actif net de la société devienne inférieur à un certain seuil défini par la loi.

Pour la SA, il s’agit du montant du capital, augmenté de plusieurs postes de capitaux propres non distribuables.

Pour la SRL, l’actif net ne peut être négatif ou inférieur au montant des capitaux propres légalement ou statutairement indisponibles (si la SRL en dispose). En l’absence de capitaux propres légalement ou statutairement indisponibles, la SRL peut donc distribuer la totalité de l’actif net (y compris les apports en numéraire effectués). Ainsi, la SRL offre une plus grande marge de manœuvre et plus de liberté que la SA en matière de distribution des bénéfices.

Mais ces avantages ont un coût, puisqu’il existe dans la SRL l’obligation de réaliser un ‘test de liquidité’ pour toute distribution aux actionnaires. Lors de ce test de liquidité, l’organe d’administration devra établir qu’à la suite de la distribution, la société pourra, en fonction des développements auxquels on peut raisonnablement s’attendre, continuer à s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant une période d’au moins douze mois à compter de la date de la distribution. L’organe d’administration justifiera sa décision dans un rapport qui ne sera pas déposé. Dans les sociétés où un commissaire est désigné, celui-ci évalue les données comptables et financières historiques et prospectives de ce rapport.

Ce test de liquidité ne s’applique pas à la SA, à laquelle seules les limitations évidentes et quantitatives du test de l’actif net s’appliquent.

Dans la pratique, le test de liquidité soulève des questions et sa mise en œuvre pose différents problèmes. De plus, il génère des formalités supplémentaires et requiert souvent les conseils d’experts-comptables ou de conseillers financiers externes. Le test de liquidité suppose en effet une évaluation difficile et complexe par l’organe d’administration des chiffres tels qu’ils figurent dans les comptes annuels ou dans un état récent résumant la situation active et passive intermédiaire, mais aussi de l’évolution attendue des paramètres financiers de la société durant l’année qui suit la distribution.

D’autre part, les administrateurs qui n’effectuent pas le test de liquidité ou l’effectuent sans la rigueur requise courent des risques non négligeables. Ainsi, les administrateurs qui devaient savoir qu’à la suite de la distribution, la société ne serait manifestement plus en mesure de s’acquitter de ses dettes pendant l’année qui suit la distribution seront solidairement responsables de tous les dommages qui en découlent envers la société et les tiers. De plus, le non-respect des dispositions relatives au test de liquidité constitue l’une des quelques infractions qui peuvent encore engager la responsabilité pénale des administrateurs (autrement dit, une amende pénale de €400 à €80 000 et – du moins en théorie – une peine d’emprisonnement de 1 mois à 1 an).

Impact de cette différence sur le choix de la forme juridique :

  • Dans la mesure où le plus de bénéfices possible doivent recirculer rapidement dans l’entreprise, la plus grande marge de manœuvre et la liberté de la SRL en matière de distribution peuvent être considérées comme un avantage par rapport à la SA.
  • La complexité, le formalisme et le coût du test de liquidité supplémentaire, combinés à la sévérité des sanctions visant les administrateurs en cas d’absence de test ou de test mal effectué, peuvent inciter à choisir la forme juridique de la SA, qui, en ce qui concerne la distribution de bénéfices, présente un cadre légal plus rigide, mais plus clair.

Démission/exclusion à charge du patrimoine social

Les statuts de la SRL peuvent désormais prévoir que les actionnaires (i), d’une part, ont le droit de démissionner de la société et (ii), d’autre part, peuvent être exclus pour de justes motifs ou pour tout autre motif indiqué dans les statuts. Une telle démission ou exclusion a lieu moyennant (une formule de) un prix et « à charge du patrimoine social », ce qui signifie que le paiement à l’actionnaire démissionnaire, exclu en l’occurrence, est effectué par la société et non par les collègues-actionnaires ou les tiers.

Cette possibilité doit permettre aux actionnaires de la SRL de bénéficier de modalités d’entrée ou de retrait souples, comme c’était le cas auparavant dans les anciennes sociétés coopératives à responsabilité limitée (‘SCRL’).

Dans la SA, la démission et l’exclusion des actionnaires à charge du patrimoine social ne sont pas possibles.

Impact de cette différence sur le choix de la forme juridique :

  • Pour les entreprises qui prévoient une forte rotation de leurs actionnaires (par exemple, les sociétés regroupant des professions libérales), la flexibilité offerte par la SRL concernant la démission/l’exclusion à charge du patrimoine social peut être une raison d’opter pour cette forme de société.

Différences concernant les modèles d’administration

Dans la SA comme dans la SRL, il est possible d’opter pour un organe d’administration collégial (le ‘conseil d’administration’ dans la SA et le ‘collège des administrateurs’ dans la SRL) ou pour une administration unipersonnelle.

Dans la SRL, il est également possible de nommer plusieurs administrateurs, qui sont tous entièrement et concurremment compétents (‘plusieurs capitaines à bord d’un même navire’). Cette configuration est impossible dans la SA.

Enfin, dans une SA, il est possible d’opter pour un modèle d’administration duale, avec un conseil de surveillance global, nommé par l’assemblée générale, qui nomme à son tour les membres du conseil de direction. Cette configuration n’est pas possible dans une SRL.

Il s’agit d’un ‘véritable’ système dual, dans lequel aucun administrateur ni directeur ne peut siéger au sein des deux organes. Les deux organes ont par ailleurs des compétences exclusives distinctes : le conseil de surveillance, comme son nom l’indique, exercera une surveillance sur le conseil de direction qui assumera la direction opérationnelle de la société et aura la compétence résiduelle, ce qui signifie que le conseil de direction sera compétent pour tout ce qui n’a pas été attribué au conseil de surveillance ou à l’assemblée générale par le CSA et les statuts.

Le conseil des commissaires et le conseil d’administration doivent compter au moins trois membres, et les membres du conseil d’administration ne peuvent pas siéger au conseil des commissaires. Par conséquent, il vous faut au moins six membres différents pour mettre en place ce modèle d’administration.

Impact de cette différence sur le choix de la forme juridique :

  • Compte tenu de la grande liberté statutaire offerte en la matière, cette différence n’aura généralement pas d’impact déterminant sur le choix d’une des deux formes de société. Seules les grandes entreprises souhaitant mettre en place une administration duale seront obligées d’opter pour la SA.
  • Il ne fait aucun doute que le modèle d’administration duale sera perçu comme trop contraignant par beaucoup de petites et moyennes entreprises, d’autant que le législateur n’a pas prévu la possibilité d’introduire un modèle dual avec un conseil de direction répondant à un administrateur individuel. Donc, pour ces entreprises, cette possibilité n’incite pas en soi à choisir la SA.

Conclusion

En raison de la grande liberté statutaire et de la convergence des deux formes juridiques à la suite de l’introduction du CSA, le choix entre la SA et la SRL semble moins catégorique qu’auparavant. Globalement, ce qui importe est le fait que ce qui est possible dans la SRL l’est aussi dans la SA, et inversement. La question est de savoir si le test de liquidité, compte tenu de sa grande complexité et des sanctions sévères qui y sont liées, n’est pas un fardeau pour la SRL. Les entreprises qui n’ont aucune difficulté pour constituer un capital de départ de €61 500 finiront peut-être par choisir, pour cette raison, le cadre ‘plus simple’ de la SA.

 

[1] Une autre différence entre les deux formes de société est la possibilité d’effectuer un apport en industrie, c’est-à-dire la possibilité de qualifier d’apport en nature « l’engagement d’effectuer des travaux ou des prestations de services », ce qui n’est possible que dans une SRL. Compte tenu des diverses interprétations possibles, en particulier concernant le traitement fiscal et comptable d’un tel apport en industrie, cette possibilité semble encore peu utilisée dans la pratique. C’est aussi pour cette raison que nous n’abordons pas en détail l’apport en industrie dans cette contribution.